jeudi 30 octobre 2008

L'hiver is in the air


Nous sommes à peine en automne et c'est déjà l'hiver. Il flotte déjà dans l'air l'envie de vin chaud, de madeleines, de chamallows, de feu dans la cheminée, de mettre un beau bonnet, de se lover dans un homme, de s'emmitoufler de fourrure, de partir en forêt pour revenir frigorié devant une citronnade au miel, un jus de raisin bouillant ou un thé brûlant.


L'hiver m'invite à partir pour me sédentariser, partir pour La Grange, minuscule village du Doubs, pour profiter du froid et de la bise, du vent dans les arbres, de la venue de la neige, pour se préparer au bonheur de glisser sur la pente des champs, sur la douce mélodie du tintement des stalactites, et enfin s'endormir en lisant, une bouillotte sur les pieds et la tisane fumant.


L'hiver ce sont aussi les longues discussions dans les cafés tourangeaux avec les fous de la fac, dans le salon jurassien avec mes sages parents, sur les bords de Loire avec ma Boréale, devant la cathédrale avec mes compagnes de galère, martini et joints aux lèvres, au café littéraire avec la ptite Mousmé et Ki Sun, dans les rues rouennaises avec ma souris grise, sur les chemins de l'île de Ré au début de l'amour fou.

L'hiver ne me donne pas grande envie de travailler.

mardi 21 octobre 2008

Le monde à l'envers


Nous étions peu dans la salle pour voir ce documentaire incroyable sur un gangster de Manchester, Dominic Noonan alias Lattlay Fottfoy (initiales d'une phrase qui veut dire en gros, protège ceux que tu aimes et flingue ceux qui te veulent du mal). Pourtant, il vaut le coup. Les jurés de Cognac ne s'y sont pas trompés d'ailleurs. Récompensé en 2007, sorti en juillet, le film passe inaperçu. Dommage, il est à la hauteur des bons films sociaux anglais : on retrouve un chef charismatique, sympathique mais dangereux et ses lieutenants le crâne rasé, pleins de cicatrices à la gueule de petite frappe. Ils ont la classe avec leur costume ajusté, leur démarche de méchants, et leur regard sans peur. Ils font des casses, dealent de la drogue, braquent des fourgons blindés, kidnappent, torturent, tuent des gens ... et vivent malgré tout dans la misère anglaise dans leur maison à briques rouges. On dirait qu'ils économisent tout leur argent pour les enterrements de leur famille, enterrements luxueux qui paralysent toute la ville ...

Une autre vision du monde et de la vie ...

Le journaliste Donal McIntyre a réussi à apprivoiser ce chef de gang qui a passé 22 ans en prison. Il l'a filmé pendant 3 ans, et en a tiré un documentaire exceptionnel qui fait froid dans le dos malgré un "héros" drôle voire gentil devant la caméra.


J'adore ces films, fictifs ou non d'ailleurs, car ces êtres me fascinent. Je ne saurais expliquer pourquoi mais il y a un truc qu'ils dégagent qui me séduit. C'est peut-être leur gueule tout simplement, leur accent que je trouve magnifique ou leur cohésion apparente, leur violence avérée ou leurs espoirs toujours présents, leur innocence, leur fidélité, leur loi dans l'illégalité.

Bref, je ne sais pas mais j'aime.

jeudi 16 octobre 2008

Cherchez la camisole


Et le coeur sec revient ... plus fort, plus dur, plus aride ... Humidifié par trop de chance, de joie, de tendresse et d'attention, le voici qui s'enfuit à nouveau et cherche un moyen de rester détaché. Pourquoi donc refuser le bonheur ?

En fait, le coeur sec voudrait se mouiller tout en évitant les larmes et les flaques. Il est sans espoir car rien n'y fait et n'y fera jamais, aucun moyen de le faire changer, il glisse et s'échappe en rêvant à une existence libre et sans complexe. Il joue, retrouve l'angoisse oubliée et à nouveau la chérit comme si c'était la preuve de sa libération. Il fonce alors dans des élucubrations insensées, entend une musique, sanglote, y voit un signe et se ravise. Il court, revient, se cache les yeux, se tord les mains. Le coeur sec est fou, un chien fou sans attache, qui ronge sa laisse pour ensuite se traîner aux pieds d'un maître, n'importe lequel, du moment qu'il donne de quoi vivre.

Et il se fait ainsi bourreau de son propre coeur tout en cherchant ceux qui pourraient lui succéder. Ceux qui tortureraient à sa suite son coeur sec l'autopsieraient et lui injecteraient une once de liquide salvateur, ce liquide qui à vie le rendrait coeur mouillé. Perdrait-il alors son identité ?

Sans doute mais il satisferait son désir d'être aliéné.

lundi 13 octobre 2008

La vie envers et contre tout

L'après-midi ensoleillée de samedi a éclairé la minuscule, la fragile, la toute petite fille et en a fait un miracle. Dans sa petite robe rouge, elle dort les petits poings en l'air, forte et battante. Si fine dans un immense berceau, ses cheveux noirs de jais, déjà longs, ondulent autour de sa jolie tête d'elfe aux grandes oreilles. Elle respire doucement, et son coeur réparé bat très vite, boum-boum, boum-boum, boum-boum.
On est tiraillé entre la frustration de ne pas pouvoir tenir dans ses bras un si magnifique trésor et la peur de le blesser, le briser par trop d'attention et d'attente enfin soulagée.
Jolie poupée à 2 mois m'a fait connaître ce qu'à 25 ans, je n'avais pas encore ressenti !
Un petit ange veille maintenant au-dessus d'elle en côtoyant un porte-bonheur chinois.

mardi 7 octobre 2008

La quête des marguerites


C'est bizarre comme, adulte ou presque, on arrive à s'attacher à des croyances dépassées. Dépassées par l'âge et non par l'époque, on s'entend et encore. On a envie de croire à des êtres merveilleux, à la magie, à des théories pourtant démontées plus d'une fois ... Ca ne rend pas forcément la vie plus facile, ça l'égaye, ça la rend folle et drôle, ça nous rend fous et touchants ... ou pas. En tout cas, on y tient comme à la prunelle de nos yeux, comme si c'était notre coeur d'enfant qui en était formé, et, ce coeur d'enfant, quand on est chrétien, on y tient !


Et puis, on sent que l'on s'est trompé. Que les licornes et les chevaux ailés n'ont rien à voir avec ce petit coeur, que ce dernier est perdu, pas forcément à jamais mais qu'on l'a écrasé, bâillonné, enterré car la désillusion avait fait son ravage et qu'on avait porté son attention sur la décoration et non le principal ...


Il suffit d'un jour, un déclic, une parole, un regard, un livre, une oeuvre ... qui vous crie que c'est encore possible, que des gens y croient encore, que rien n'est perdu ...


Et si l'innocence s'est bel et bien envolée, on a le droit d'aller la rechercher ...

jeudi 2 octobre 2008

Le génie de Paul Valéry

SOCRATE

Eh bien, Phèdre, voici ce qu’il en fut : je marchais sur le bord même de la mer, je suivais une plage sans fin… Ce n’est pas un rêve que je te raconte. J’allais je ne sais où, trop plein de vie, à demi enivré par ma jeunesse. L’air, délicieusement rude et pur, pesant sur mon visage et sur mes membres, m’opposait un héros impalpable qu’il fallait vaincre pour avancer. Et cette résistance toujours repoussée faisait de moi-même, à chaque pas, un héros imaginaire, victorieux du vent, et riche de forces toujours renaissantes, toujours égales à la puissance de l’invisible adversaire… C’est là précisément la jeunesse. Je foulais fortement le sinueux, durci et rebattu par le flot. Toutes choses, autour de moi, étaient simples et pures : le ciel, le sable, l’eau. Je regardais venir du large ces grandes formes qui semblent courir depuis les rives de Libye, transportant leurs sommets étincelants, leurs creuses vallées, leur implacable énergie, de l’Afrique jusqu’à l’Attique, sur l’immense étendue liquide. Elles trouvent enfin leur obstacle, et le socle même de l’Hellas ; elles se rompent sur cette base sous-marine ; elles reculent en désordre vers l’origine de leur durée. Les vagues, à ce point, détruites et confondues, mais ressaisies par celles qui les suivent, on dirait que les figures de l’onde se combattent. Les gouttes innombrables brisent leurs chaînes, une poudre étincelante s’élève. On voit de blancs cavaliers sauter par delà eux-mêmes, et tous ces envoyés de la mer inépuisable périr et reparaître, avec un tumulte monotone, sur une pente molle et presque imperceptible, que tout leur emportement, quoique venu de l’extrême horizon, jamais toutefois ne saurait gravir… Ici , l’écume, jetée au plus loin par le flot le plus haut, forme des tas jaunâtres et irisés qui crèvent au soleil, ou que le vent chasse et disperse, le plus drôlement du monde, comme des bêtes épouvantées par le bond brusque de la mer. Mais moi, je jouissais de l’écume naissante et vierge… Elle est d’une douceur étrange au contact. C’est un lait tout tiède, et aéré, qui vient avec une violence voluptueuse, inonde les pieds nus, les abreuve, les dépasse, et redescend sur eux, en gémissant d’une voix qui abandonne le rivage et se retire en elle-même ; cependant que l’humaine statue, présente et vivante, s’enfonce un peu plus dans le sable qui l’entraîne ; et cependant que l’âme s’abandonne à cette musique si puissante et si fine, s’apaise et le suit éternellement.
Eupalinos et l’architecte Gallimard, pp. 74-75