jeudi 6 mai 2010

Face à face


Alice a 26 ans ... Égarée dans la forêt de ses questionnements, elle rencontre à la croisée des chemins, Alice à 6 ans ... Le choc est brutal. Joie, étonnement, curiosité et peur se mélangent. Mais les 2 Alice s'apprivoisent vite, la grande reconnaissant la petite, qui elle reste sceptique.
- Tu es moi, vraiment ?
- Oui, je suis toi, tu es moi, nous sommes une.
- Mais où sont mes enfants, mon mari, mon château ? Où est mon auréole au-dessus de ma tête ? Où est ce dont j'avais rêvé avec tellement de force qu'il était certain que je sois exaucée !
- Eh bien, non, petite. Aucune de tes aspirations ne s'est réalisée, à part peut-être la plus importante, celle d'être libre !
- Je suis libre ? Certes je l'ai ardemment souhaité, mais davantage comme un caprice ... Libre et seule ? Je ne vois pas bien l'intérêt ...
- ... , La grande Alice reste coite, soufflée par cette petite effrontée.
- Alors ? Dis-moi ! Tu as un but ? Un rêve ? Des perspectives ?
- Écoute, petite, aujourd'hui tout se délite, tout s'enfuit, tout s'effrite. Les murs autour de moi se sont écroulés, le cadre s'est effacé, mon avenir est un vaste flou ... Tu tombes au mauvais moment, je t'avoue. Il y a peu de temps, j'étais fière et heureuse. J'étais amoureuse ... J'avais le cœur en fête pour un marin, disparu dans l'horizon, j'avais de grands rêves de voyages et une envie intense de partage. Aujourd'hui, il y a des plans sur une comète et des châteaux en Espagne, mais rien que je peux t'offrir maintenant, j'ai perdu du temps, ai fait des erreurs ... J'ai toujours tes désirs : chevaucher une licorne, avoir la science infuse, découvrir la téléportation et bien sûr, trouver un prince charmant, ... mais il n'existe pas, que veux-tu, il n'y a personne pour toi ...
La petite Alice se tait, stupéfaite, elle attend un petit espoir mais rien ne vient. Elle ose alors demander :
- Alors à quoi cela sert que je continue à vivre ? Il n'y a pas d'intérêt, autant me suicider ... De plus, tu m'as l'air bien amochée par mon futur, par ton passé ... ça ne me tente pas du tout d'y mettre les pieds. La vie ne vaut donc rien ?
La grande Alice regarde la petite, les yeux mouillés, la main dans sa main ...
- Eh bien, jolie, il n'y a rien de bien, dans l'absolu, qui t'attende pour demain mais il y a plein de moments : il y a l'Islande, la Creuse, la Turquie, il y a la joie, le naturel et l'euphorie... Il y a plein d'étincelles qui parcourront ta vie ... Elles sont magnifiques, fugaces et douloureuses, mais tu mérites vraiment de les vivre, elles te rendront heureuses ... l'espace d'un instant, d'un jour ou d'une semaine, et je sais que bientôt, à 27 ou 30 ans, elles seront rassemblées, et allumeront un feu.
Je te préviendrai ! Vis, ne t'en fais pas.

mardi 4 mai 2010

Tandis que les vits dansent


Pourquoi s'être obstinés comme cela ? Pourquoi avoir occulté ce qui nous séparait ? Pourquoi avoir fermé les yeux sur les douleurs et sur les plaies ... restées ouvertes et souvent ravivées sous un peu de sel, dès qu'un de nous doutait ?

Moi sur la lune, sélénite éthérée,
toi sur la Terre, les pieds bien à plat, presqu'enracinés.
On dansait parfois autour du soleil, à s'en brûler les ailes, d'où nos multiples éclipses ... longues et dangereuses.

Si peu du même monde, sans beaucoup d'atomes crochus, l'alchimie avait marché mais avait fait long feu ... Pfuit !
A ce son funeste, on aurait dû se rendre à l'évidence ... Au lieu de cela, je t'ai laissé me mettre des poids aux pieds, des chaînes aux poignets, j'étais ta prisonnière volontaire ... mais tu savais bien que mon esprit voguait, toujours, que mon nuage pouvait tout supporter même la chape de plomb dont tu me recouvrais ...
L'imagination est difficilement capturée ... surtout la mienne qui débordait.

Un peu désenchantée, oui tu m'as bien amochée (j'avoue, j'ai joué aussi mon propre bourreau), j'erre ici et là, conversant avec ton fantôme qui cache, parfois, souvent, toujours, le soleil ... mon deuil n'est pas physique, tu le sais, il est bien intérieur, ancré profondément, transpercé parfois par de jolis arcs-en-ciel.

Je croyais m'être relevée, avoir transformé l'essai, mais je me suis leurrée ... dès que l'on me délaisse, tu reviens et me blesse.
Un jour, j'espère, j'y crois, tes banderilles ne me toucheront plus. Je serai alors redevenue coeur sec, stoïque et détachée.
Je ne vivrai que dans mon monde, factice et illusoire, rempli d'impossibles et fugaces histoires, où toi minable torero tu ne m'achèveras pas, même si tu m'affaiblis.

Alice m'envahit, tandis que les vies dansent ici aussi.