mardi 19 janvier 2010

A la croisée des mondes, des phrases semées au vent ...


La croix, l'étoile, le croissant ... Jérusalem est belle, resplendissante, calme et fervente. Il est 4 heures du matin. Alice se réveille sur la terrasse au chant du muezzin. Elle s'y était installée le soir pour admirer la ville où s'élèvent les minarets, les dômes des mosquées bleue et dorée, les tours des églises et des monastères, et toutes les prières ... toutes vers le ciel, toutes vers un Dieu, le même.

Alice a suivi le lapin, a atterri au pays des merveilles, un pays de fous, totalement dément. Où tout est beau, étrange, drôle aussi pour elle qui ne connaissait rien de ces gens si croyants, si fervents, jusqu'à en devenir violents.

A cette heure, elle sent déjà monter les odeurs, celles du pain chaud, de la cardamome dans les cafés, des bougainvilliers qui grimpent sur tous les murs, sauf sur celui de la honte, qui est loin, là-bas, mais qui ne s'oublie pas ...

Elle aimerait tant capturer ces odeurs, comme les images dans son appareil photo, comme les sons sur son dictaphone ... Alors, elle cueille les fleurs, le romarin et les épices, et les enferment dans son carnet de voyage, avec l'espoir que, revenue à la réalité, elle pourra encore s'en délecter.

Tout donne envie ici : les pâtisseries, les fruits, les épices, les bijoux et les hommes aussi. Ils ont le regard clair, et la peau basanée. Un sourire aussi plein de bonté.

Les rues de Jérusalem sont presque vides à cette heure : quelques soldats, très jeunes, les yeux pleins de désir et de défi, veillent, armés de leur fusil, qu'ils portent nonchalamment. Peu à peu, des petits groupes de juifs, papillotes, kippa et chapeau entrent dans la ville, puis c'est au tour des musulmans avec leur djellabah et leur keffieh ... Il est 5 heures. Le jour n'est pas encore levé.

Quand le soleil apparaît enfin, c'est un véritable arc-en-ciel. Les nuages se colorent, se scindent et laissent les rayons jaunes, rouges, orangés former un puits de lumière qui s'étend petit à petit, chassant l'ombre de la nuit.

Alice a les yeux écarquillés, ne peut se rassasier de tant de beauté, Alice est subjuguée. Elle, devenue pour quelques jours une princesse étrangère, est ravie, se réjouit, entourée de tous ces gens habités ... mais elle garde ce sentiment de vide en refusant d'embrasser ce bonheur qui semble tous les combler. Pourquoi ne pas choisir cette sérénité offerte, gratuite, donnée ? Parce qu'elle n'est pas appelée ... tout simplement. Chacun a son chemin, et même si le sien est bien chaotique, elle semble l'avoir pris en main et aimer la vie comme elle vient. Et s'aimer enfin, elle, telle qu'elle est.

Avant de partir, une adorable petite nonne lui prend la main, la serre et la caresse en lui disant : "Tu es la jeunesse, tu es l'avenir, fais quelque chose de grand et profite."

Alice a compris, Alice est partie, apaisée et guérie.

Elle laisse derrière elle un caillou de plus sur un tas, des petits papiers cachés dans le mur, beaucoup de larmes à Yad Vashem et une lampe à huile en haut d'une église.

Alice est une rêveuse mais enfin, ses rêves deviennent réalité ... Alice est ressuscitée.

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