jeudi 12 novembre 2009

L'arbre creux


Enfant, Alice se réfugiait dans l'arbre creux, le tilleul du bout du chemin. Elle y jouait avec ses amies, y a reçu ses premiers baisers sur la joue, y entreposait les stalactites qu'elle collectionnait l'hiver.
La nuit, quand tout le monde dormait, elle ne pouvait s'empêcher d'y aller et dans le village endormi, elle marchait pieds nus et en chemise de nuit jusqu'à son refuge ... Elle poussait le noeud juste sous la branche qu'elle avait cassée la fois où elle voulait voir le soleil de plus près et un passage secret s'ouvrait. C'était la porte de son monde ... le monde où elle retrouvait lutins, sirènes, panthères, fées et sorcières. C'était son pays des merveilles, à elle, rien qu'à elle, où le temps passait à une vitesse éclair, où les fleurs s'épanouissaient tous les jours et ne fanaient jamais, où la nuit des étoiles filantes était quotidienne, où les cascades l'éclaboussaient de diamants. Alice s'adossait au pied des arcs-en-ciel et discutait sans cesse avec Marie, l'amie partie pour toujours. Elle faisait des couronnes pour les animaux qui venaient lui parler et dissertait sur la beauté des sirènes et sur l'éternité.
Aujourd'hui, l'arbre est là, presque mort ... mais il défie toujours le temps. Des enfants y jettent leurs papiers car ils n'ont pas trouvé le passage secret. Pourtant, quand Alice retourne à La Grange, tout lui dit qu'il est encore ici. Il suffit juste d'entrer dans l'arbre creux et de fermer les yeux.
A bientôt à La Grange, mon doux village.

jeudi 5 novembre 2009

2ème apocalypse


Le doigt dans l'oeil jusqu'au coude.
Alice est petite, minuscule même. Elle s'est pris le poing en pleine face, n'a pas pu l'éviter, il était trop rapide, trop mesquin, trop bas ... oui, c'était un coup bas, tout simplement.

Elle est à terre ...

1,2,3 ...

On déclare le K.O.

Le gagnant lève les bras, son orgueil est à bloc, sa victoire totale. Il sourit, il ne lui manque aucune dent, seul son front et son torse sont marqués par le combat : de luisantes gouttes de sueur les perlent. Il tourne sur lui-même, les yeux fiers et moqueurs. Le profil bas, il ne connaît pas.

Tandis que, gisante, Alice reste sur le ring, la bouche ouverte. Elle entend que ça hue autour d'elle, que ça parle, que ça rit, que ça se moque ... elle n'ose pas ouvrir les yeux, de peur de ne voir que des monstres hurlant ... elle se dit qu'elle est bien là, sur ce sol lisse ... on est bien à terre, on ne peut pas tomber plus bas, comme lui disait l'institutrice sur la chute incessante de ses stylos. Elle avait bien raison ...

Alice va rester là, en carressant la poussière du ring ...tout ce qui reste de tant d'années de bataille.

Et sur cette décision, elle eut la révélation de son ambition : "quand je serai grande, je serai dompteur de néant".